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Pour détecter et sortir des jeux de pouvoir en entreprise
« Les victimes
d'hier sont les bourreaux de demain. » Victor Schoelcher (Homme politique antillais) Parmi les jeux de pouvoir les plus présents en entreprise, le plus courant est le triangle dramatique.
Le triangle dramatique mis en exergue en 1968 par le Dr. Stephen
Karpman (psychologue américain spécialisé en analyse
transactionnelle) est un mode de fonctionnement relationnel préjudiciable pour
chaque personne impliquée et pour l'entourage. La plupart d'entre nous tombons
encore régulièrement dans le panneau, par manque de vigilance, tant dans notre
vie professionnelle que personnelle. A chaque fois, on en sort épuisé et
meurtri. L'objet de cet article est d'analyser la problématique du triangle
dramatique dans le contexte de l'entreprise et notamment de répondre à trois
questions-clés : Comment le détecter ? Comment l'éviter ?
Comment s'en sortir ? Qu'est-ce que le triangle dramatique ? Le triangle dramatique illustre schématiquement un jeu de
pouvoir impliquant trois rôles différents mais intimement liés : ·
Persécuteur (ou Bourreau) : il sagit du rôle de
l'agresseur, de l'attaquant. Le persécuteur peut être une personne, un
événement, une situation donnée. Il est généralement perçu comme négatif
quoique dans certaines situations, le persécuteur puisse être un innovateur, un
initiateur, la source d'une salutaire remise en question. ·
Victime : il s'agit du rôle de la personne qui
subit l'agression du persécuteur. A nouveau, ce rôle est généralement perçu comme
non désirable quoique dans certains cas, la victime puisse profiter du
déséquilibre créé pour enclencher un changement bénéfique. ·
Sauveur : il s'agit du rôle du protecteur, du chevalier
blanc. A première vue, ce rôle est perçu comme positif alors qu'il contribue souvent
à renforcer la dynamique du triangle dramatique. Voici quelques exemples de situations d'entreprise susceptibles
de refléter un triangle dramatique : -
supérieur hiérarchique, moi et responsable RH, -
collègue, moi et supérieur hiérarchique, -
collègue, collègue et moi, -
restructuration, moi et syndicat, -
licenciement, moi et bureau d'outplacement, -
situation, personne coachée et coach. Les trois rôles impliquent généralement trois intervenants
différents mais pas toujours. Un triangle dramatique peut se dérouler entre
deux personnes, une d'entre elles passant alors d'un rôle à l'autre. Lorsqu'il
y a plus de trois personnes impliquées, un même rôle est rempli par plusieurs d'entre
elles. La plupart d'entre nous sommes programmés pour jouer les
trois rôles. En fonction des circonstances et de notre état d'esprit du moment,
nous choisirons consciemment ou inconsciemment un des trois rôles. Certaines
personnes privilégient toutefois un rôle donné car il leur apporte l'illusion
de certains avantages. Par exemple, le rôle
de victime permet d'attirer l'attention des autres, le rôle de persécuteur nous
donne du pouvoir, et le rôle du sauveur nous donne une image positive de nous-même.
Lorsque nous sommes mis en présence d'un de ces trois rôles,
nous avons tendance à adopter inconsciemment un des deux autres rôles. Face à
une victime, nous endosserons instinctivement le rôle du sauveur ou du
persécuteur. Nous pouvons aussi passer d'un rôle à l'autre sans nous en rendre
compte. Par exemple, après avoir voulu secourir dans un premier temps un
collègue geignard, nous nous impatientons face à son auto-apitoiement
et devenons nous-même persécuteur. Les managers et les coachs sont régulièrement confrontés à
des situations de triangle dramatique. Comme déjà mentionné, toutes les situations
triangulaires ne sont pas négatives. Certaines sont même nécessaires. Il est toutefois
utile de savoir identifier une situation sujette à un triangle dramatique afin
de pouvoir désactiver tout jeu de pouvoir dommageable pour les intervenants et
pour l'entreprise. En quoi est-il préjudiciable à l'entreprise ? Une situation de triangulaire
devient de type dramatique lorsqu'un jeu de pouvoir s'établit entre les
protagonistes. Ce jeu de pouvoir active souvent une dynamique négative qui
amplifie le problème plutôt qu'elle ne le résout, poussant chacun à se
retrancher davantage dans ses positions. Dans le contexte d'une
entreprise, ce type de fonctionnement quoique courant est malsain car il attise
les conflits larvés ou déclarés, coupe toute forme de dialogue constructif,
génère du ressentiment, encourage les interprétations erronées et provoque
souvent des réactions émotionnelles exagérées. Il en résulte une mauvaise performance,
des conflits interpersonnels, une mauvaise ambiance de travail, voire une
augmentation de l'absentéisme. Comment le détecter ? Tout jeu de pouvoir génère un malaise dans le chef d'un ou
de plusieurs protagonistes. Un moyen simple pour détecter rapidement lorsqu'un jeu de
pouvoir de type triangle dramatique se met en place est d'évaluer l'équilibre dans
la relation. « Cette interaction est-elle à parité ou me sens-je supérieur
ou inférieur à mon ou mes interlocuteurs ? » Si la réponse est du
genre « Je suis OK mais vous n'êtes pas OK », il y a fort à parier
que vous endossiez le rôle de persécuteur ou dans une certaine mesure de
sauveur. Si la réponse est « Je ne suis pas OK mais vous êtes OK »,
vous vous comportez vraisemblablement en victime. Dès quun protagoniste de la
relation se sent inférieur ou supérieur à l'autre, il convient d'être vigilant.
Comment l'éviter ? Le meilleur moyen d'éviter d'être pris dans un triangle
dramatique est de veiller à ne pas soi-même endosser spontanément un des trois
rôles. Si je me sais enclin à chercher la sympathie ou le soutien des
autres, je serai particulièrement attentif à ne pas me poser en victime pour faire
en sorte que les autres règlent mes problèmes. Si je suis de nature colérique, autoritaire ou directive, je
serai vigilant à ne pas agresser verbalement mon entourage même si je juge qu'il
fait mal son boulot. Et finalement, si je suis du genre à vouloir aider les
autres, je vérifierai si les quatre conditions suivantes sont remplies :
1) m'a-t-on explicitement demandé mon aide ? 2) ai-je l'envie, les
compétences et les moyens pour intervenir ? 3) le demandeur est-il prêt à
se prendre en charge lui-même ou va-t-il me refiler son fardeau ? 4) quels
sont les critères qui me permettront de juger quand ma mission d'aide est accomplie ? Comment s'en sortir ? Lorsque vous estimez
être pris dans une situation de triangle dramatique, et ce quelque soit le rôle
que vous y jouiez, vous avez la capacité de vous en sortir. Le moyen le plus
radical est la fuite. Quoique nécessaire dans certaines situations, cette
attitude risque de ne pas résoudre le problème qui se répétera à l'envi. Voici une technique
en cinq étapes pour non seulement vous dégager personnellement d'une telle
situation inconfortable mais aussi pour la désamorcer efficacement, pour le
bien de tous. Cette technique part du postulat systémique que les trois protagonistes sont
si étroitement reliés entre eux que le changement de comportement d'un d'entre
eux aura un impact sur les autres. -
Etape 1 : Tout dabord, il convient de ressentir
le déplaisir croissant suscité par le jeu de pouvoir en action. La prise de
conscience de ce malaise va nous pousser à réagir et à provoquer un changement,
quitte à devoir traverser un moment d'inconfort. -
Etape 2 : Avant de réagir, il est utile de
prendre du recul par rapport à la situation et d'identifier le rôle présent de
chacun, y compris de nous-même. -
Etape 3 : Nous établissons mentalement une
stratégie d'intervention selon nos aptitudes, notre humeur du moment, les
autres protagonistes et la situation en jeu : humour, expression de notre
ressenti à propos de la situation, recherche d'intentions positives derrière
les comportements, symbolisation des interactions en cours, usage de métaphores,
etc. -
Etape 4 : Nous exprimons clairement notre
analyse de la situation, non plus en nous acharnant sur le contenu mais en
communiquant sur l'interaction elle-même. Un moyen efficace pour recevoir l'assentiment
des autres protagonistes vis-à-vis de cette démarche, est dénoncer des faits incontestables
relatifs à l'interaction, non pas pour juger mais pour dépassionner le débat et
rétablir une communication « objective ». Nous insistons ensuite sur les
points d'accord et remercions chaque protagoniste pour sa contribution à
restaurer un climat de relation équilibrée. -
Etape 5 : Finalement, nous vérifions que chacun se
sente confortable avec les points d'accord tout en essayant de les élargir le
plus possible et de mettre en place un nouveau « modus operandi »
entre les protagonistes. Avec un peu de pratique, ce processus devient de plus en
plus naturel. Appliqué dans le cadre de l'entreprise, il s'avère également bien
utile dans notre vie familiale et notre environnement social. Conclusion Si l'on n'y prend garde, beaucoup d'interactions dans l'entreprise
sont sujettes à des jeux de pouvoir du type triangle dramatique. Pour notre
propre confort et celui de notre entourage, il convient d'être vigilant par
rapport à notre mode d'interaction favori afin de ne pas engendrer de telles
situations. Si nous nous surprenons à être pris dans un triangle dramatique, le
meilleur moyen de s'en sortir est d'inviter de façon bienveillante les
différents acteurs à analyser le mode de fonctionnement de la relation plutôt
que de continuer à discuter du contenu. Cette technique permet à chacun de
prendre du recul par rapport à son comportement et de restaurer ainsi une
relation équilibrée. Rédigé le 6 mai 2003 Pour plus dinformations : http://www.executivecoaching.be A propos de l'auteur : Marc De Wilde a lui-même été entrepreneur et dirigeant
d'entreprises pendant 18 ans. Au fil du temps, il s'est passionné pour les
techniques de coaching qu'il a appliquées auprès de ses équipes. Ayant vendu
avec succès son entreprise, il consacre à présent son temps et son énergie à
coacher les organisations ainsi que leurs équipes et acteurs-clés. Contact : marc.dewilde@mdwservices.com |
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