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Un trésor au fond de nous
A 45 ans et au terme de vingt
années dune vie professionnelle active et trépidante, je me suis fais plaisir.
Je suis parti de Bruxelles à pied sac au dos vers Saint Jacques de
Compostelle. C'était le 21 juillet.
Quelques drapeaux belges saluaient ce départ pour un long périple dont
j'ignorais encore la richesse et la capacité à faire découvrir le vrai bonheur
C'est vrai, je suis un
privilégié. J'ai pu vendre mon entreprise quelques mois plus tôt et mon épouse
m'a donné sa bénédiction pour une absence de plus de trois mois. J'aurais eu
tort de ne pas en profiter. Partir de chez soi, à pied, sac au
dos pour une destination si lointaine, a quelque chose de grisant. Cela donne
un formidable sentiment de liberté et de « tout est possible »
puisqu'il suffit de franchir le pas de sa porte pour déjà être sur le chemin.
Les premiers kilomètres furent pourtant un peu pénibles. J'éprouvais un mélange
de culpabilité de laisser ma famille derrière moi et de tristesse de ne plus
les revoir pendant de longues semaines. Je savais que je n'atteindrais pas
Saint Jacques de Compostelle avant le début du mois de novembre, au début de
l'hiver ! Mais peu à peu, la marche a pris possession de moi. J'étais poussé
en avant par une force nouvelle qui ne m'a plus quitté. J'ai mis du temps à
décrypter les composantes de cette force. Citons en vrac une incroyable
sensation de liberté, le goût de laventure, le défi de se dépasser, la
possibilité de se connaître davantage, la réalisation d'aspirations spirituelles,
la rencontre avec d'autres chercheurs de vérité de toutes les nationalités, la
dimension historique, la richesse culturelle et le caractère profondément
européen du chemin. Pourtant chaque pèlerin a
« une bonne raison » de se mettre en route. Il m'a fallu près d'un
mois de marche pour découvrir cette bonne raison, celle pour laquelle mon coeur
m'avait « forcé » à partir. Je vous la livre en toute simplicité, en
espérant que certains frères-pèlerins sy reconnaîtront ou que d'autres y
verront une motivation à se mettre en route à leur tour. J'ai découvert que mon
coeur était entouré et comprimé par une série de « couches » parasites.
Par couche, j'entends les innombrables idées préconçues, réflexes conditionnés
et autres émotions incontrôlables qui nous encombrent. Ces couches sont le
fruit de l'éducation certes, mais surtout de la volonté de nous protéger des
agressions extérieures qu'elles soient réelles ou imaginaires, ou encore de la
volonté de nous conformer au modèle que notre entourage attend de nous. Au fil
du temps, ces diverses couches se cristallisent et se figent, nous empêchant
d'être véritablement nous-mêmes. Le but de ma quête était donc tout simplement
de me débarrasser de toutes ces couches afin de rétablir un contact direct avec
mon centre, ma véritable nature, et cela même au prix d'une plus grande
fragilité, d'une plus grande vulnérabilité. Je sentais que ce genre de
démarche n'était possible que sur le chemin. Les multiples sollicitations de la
vie de tous les jours nous empêchent d'entreprendre ce travail de
dépouillement. La marche par contre y est tout à fait propice, et encore à deux
conditions. La première condition est de donner du temps au temps. La
précipitation et l'impatience sont à exclure. Il s'agit dun processus naturel
qui ne peut être forcé ou accéléré par la simple volonté. Jai l'impression
qu'il faut y consacrer un minimum de 4 semaines. Cela n'est pas toujours
évident à organiser mais le jeu en vaut largement la chandelle. La deuxième
condition est d'avoir dès le départ une attitude bienveillante et d'ouverture
vis-à-vis de tous les événements ou personnes rencontrées. En ce qui me
concerne, j'avais une confiance totale dans la providence. Je m'interdisais de
juger ce qui m'advenait, que ce soit au niveau des conditions climatiques, des
personnes rencontrées, de l'attitude des gens, des paysages, des événements. Tout
ce qui venait était le bienvenu. Lorsqu'on est dans un état d'acceptation
totale, les couches s'érodent et disparaissent peu à peu, pour laisser place à
un véritable trésor. Ce que j'ai trouvé sous ces
couches est un sentiment au-delà des mots : joie immense, paix profonde,
amour incommensurable ! On se sent profondément aimé et à son tour, on
aime naturellement, sans effort. Le coeur irradie une chaleur bienfaisante
envers les autres et soi-même. Je peux dire sans hésitation que cette période
fut une des plus heureuses de ma vie, si pas la plus heureuse. Le plus extraordinaire dans cette
découverte est le fait qu'il sagit d'un processus presque mécanique. Il
suffit de se dépouiller, de se débarrasser de ces couches encombrantes pour
qu'automatiquement ce merveilleux sentiment éclose. Cela n'a rien à voir avec
nos convictions spirituelles ou religieuses, même si ces dernières peuvent nous
aider durant le processus de dépouillement ; cela est directement lié à
« notre mécanique d'être humain ». J'ai eu loccasion d'entendre que
de nombreux pèlerins ont également vécu ce phénomène. Il s'agit d'une
expérience fabuleuse qui transcende véritablement la vie normale. J'affirme,
pour l'avoir vécu dans mon esprit et dans ma chair, qu'en dessous des couches,
il y a un trésor ! Et quil ne tient qu'à nous d'entreprendre les travaux
d'archéologie pour ramener ce trésor à la lueur du jour... Le vrai bonheur est à
portée de main. Marc De Wilde (parti de Bruxelles
le 21/07/02 et arrivé à Saint-Jacques de Compostelle le 4/11/02) Rédigé le 20-Nov-2002 |
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